Une délégation de la FNEC FP-FO a été reçue en audience bilatérale le mardi 28 octobre par le ministre Edouard Geffray. Le ministre a introduit l’audience en fixant ses priorités.
Ministre : sur la méthode, les différentes décisions qui seront prises doivent faire l’objet d’un dialogue social nourri. Une OS représentative ne peut pas découvrir dans le journal une décision qui aura été prise. Quelle que soit la décision, on préviendra les OS avant.
Sur le fond : je ne suis pas là pour engager de grandes réformes. La maison a besoin de stabilité.
Quelques priorités :
1) La réforme de la formation initiale qu’il faut mener à bien cette année. Des annonces ont été effectuées il y a trois jours sur le nombre de postes ouverts… – mais il y a le reste à acter… – on a noté questions auxquelles il faut répondre sous huitaine- il faut que les étudiants soient dûment informés.
2) La question des inégalités scolaires adossées aux inégalités sociales. Je ne suis pas partisan de grandes réformes systémiques mais plutôt de mettre le paquet sur les établissements qui connaissent les plus grandes difficultés.
3) La santé physique et surtout psychique des élèves. Cela touche aux écrans, à la qualité de la prise en charge médicale en dehors du circuit scolaire, à la capacité d’orienter de la médecine scolaire vers la médecine de ville. Je n’accepte pas que 30 % d’une génération souffre de troubles anxio-dépressifs sans qu’on s’attelle au problème.
Sur d’autres sujets, Il y a aussi la question de l’école inclusive, et tout ce qui touche au climat scolaire, à ce qu’on peut considérer comme une forme d’engrenage de la violence… indépendamment de tout ça, il y a un sujet sur lequel j’aimerais travailler de façon non partisane, dépassionnée, tourné vers des solutions de long terme, c’est la question démographique… D’ici 2035-40 il y aura moins 2 millions d’élèves (passage de 12 à 10 millions), c’est un bouleversement extrêmement puissant… Quand on a une telle baisse, c’est un peu court de s’arrêter à un débat annuel sur ouverture / fermeture de classes… Il est assez dommageable pour l’institution qu’on ne se projette pas sur long terme.
FNEC FP-FO : On a entendu vos intentions sur la méthode comme sur le fond. Vous connaissez nos positions. On a toujours été pour la liberté de contracter et négocier. Les personnels ont été échaudés ces dernières années par le passage en force des réformes. Vous connaissez nos positions sur les réformes du baccalauréat, du Lycée, Parcoursup, le choc des savoirs, la réforme de la voie professionnelle… Autant de réformes massivement rejetées par les personnels, mais passées en force. Ce qui a nourri une colère énorme… Comme concernant la réforme des retraites. Notre confédération n’a pas dévié : abrogation de la réforme 2023 des retraites et défense des 42 régimes de retraite, dont le Code des Pensions civiles et militaires… Nous ne voulons pas de caisse autonome de retraite pour les Fonctionnaires d’Etat, maintien du code des pensions civiles et militaires. Non à la retraite par points.
On entend que vous ne serez pas le ministre du 49.3 permanent. Cela tombe bien parce qu’on a refusé de participer aux « assises de la santé scolaire ». Il n’y a pas de réforme mise en place pour le moment.
On ne veut pas qu’une réforme se mette en place sur ce sujet. Ce qu’on demande c’est de répondre aux revendications des personnels : recrutement de personnels sous statut, revalorisation salariale. On ne veut pas de bouleversement des missions, de l’organisation même des différents corps.
Concernant la question de la démographie. Ce n’est pas seulement une discussion qui commence en octobre et se termine en décembre avec l’adoption du PLF en décembre (qu’il soit voté ou imposé par 49-3 ou ordonnances). Cela dure toute l’année avec souvent des mobilisations de personnels de parents… À la rentrée, votre prédécesseur annonçait qu’il manquait 2 500 postes. Or, 2026 prévoit 4000 suppressions. On se battra contre les suppressions.
On rejette le budget (PLF) 2026 parce qu’il prévoit une nouvelle année blanche. Nous revendiquons, avec notre fédération de fonctionnaire, l’augmentation de la valeur du point d’indice. D’un point de vue catégoriel, la réforme PPCR de raccourcissement des échelons qui était prévue n’a pas été mise en oeuvre. Nous l’avions rejetée car elle était insuffisante et que nous refusions la modification du positionnement des rendez-vous carrière. Pour autant, le statu quo est inacceptable. Quelles suites comptez-vous donner aux revendications de revalorisation des personnels ?
Un autre dossier nous préoccupe : la diminution de la prime de vie chère pour agent malade dans les territoires ultra-marins. On a été interpelés par les camarades de Martinique et de la Réunion. C’est une mesure qui ne concerne pas tous les agents de la Fonction publique. On a fait le point avec notre fédération de fonctionnaires. On demande que cette mesure ne soit pas mise en place parce qu’elle est perçue à juste titre comme mesure de discrimination par rapport aux agents de l’hexagone… Avec ce qui s’est passé autour du chlordécone, la tension est plus que palpable sur ce sujet…
Concernant le refus du budget, il y a une colère par rapport aux sommes gigantesques allouées à la guerre quand l’Ecole, les hôpitaux manquent de tout. La guerre n’est pas une question abstraite : par exemple une note de la DSDEN du Vaucluse a été envoyée aux directeurs d’écoles et chefs d’établissements pour connaître les capacités d’hébergement des troupes des établissements scolaires en cas de crise… Cela rappelle la circulaire du ministère de la santé aux ARS… On a fait une démarche en direction du DASEN du Vaucluse. Il a dit qu’il y avait erreur dans l’objet du mail, mais on voudrait savoir si c’est limité au Vaucluse…
Ministre : Je découvre cette question. Je vais me renseigner mais ce n’est pas a priori une orientation ministérielle. Je confirme qu’il n’y a pour le moment pas de réforme de la santé scolaire. Ce n’est pas tranché. Concernant la revalorisation des milieux de carrière des enseignants, le sujet n’est pas clos. Nous y réfléchissons. Concernant la prime de vie chère, il semble que ce soit un sujet transversal. Nous allons voir avec la DGAFP.
FNEC FP-FO : Il y a eu des rappels sur salaire pour trop perçu qui plonge des collègues dans de lourdes difficultés. Ce n’est pas possible. Autre situation, celle de Mayotte : on a envoyé la semaine dernière un courrier de notre confédération au premier ministre sur la situation à Mayotte avec un focus sur la rentrée scolaire. Les collègues demandent où sont les promesses de l’Etat, où est la reconstruction, il y a toujours des élèves en rotation, il y a des écoles non reconstruites, des élèves qui n’ont que 3 heures par jour, on est toujours en attente pour sortir les écoles de Mayotte et les personnels du marasme. Concernant les annonces faites dans le cadre du plan Mayotte, personne ne voit rien venir… Il y a même des collègues contractuels et titulaires qui ne sont pas payés depuis juin… Parfois c’est une rémunération partielle, mais ils en sont à partager leurs salaires…
Ministre : Je vous rejoins sur le fait qu’il faut qu’ils soient payés. Ce n’est pas possible… Il y a urgence. Je n’ai pas encore fait le point sur la situation de l’Ecole à Mayotte. Je vais m’y rendre pour mesurer les sujets.
FNEC FP-FO : Vous avez évoqué le sujet de l’inclusion. Aujourd’hui, 70 à 80 % des fiches RSST émanent de personnels en difficulté en lien avec l’inclusion… Un ex-ministre délégué, M. Portier, avait concédé en audience que les réformes mettant en oeuvre l’École inclusive avaient été menées de façon dogmatique pour des raisons politiques. Selon les derniers chiffres du ministère, ce sont toujours au moins 24 000 élèves notifiés qui relèvent d’un établissement social ou médico-social (ESMS) et qui n’y sont pas faute de place. Pour nous, il faut ouvrir les places et recruter les personnels spécialisés pour cela. On nous dit que non, maintenant tout va être externalisé, on va faire des PAS avec des enseignants spécialisés et des éducateurs spécialisés qui ne vont pas prendre en charge les élèves mais se transformer en coach pour expliquer aux collègues ce qu’ils doivent faire tous seuls… On n’accepte pas cette orientation résumée par le président macron qui indique « il faut en finir avec ces établissements dans lesquels les élèves vivent à part… » et présente les établissements spécialisés comme obsolètes voire nocifs… On est pour le renforcement de l’enseignement spécialisé et de ses structures… Une situation concentre actuellement cette dérive : au Havre, 78 élèves d’IME vont intégrer le groupe scolaire Paul Bert qui compte 350 élèves… Qui peut penser que cela va se passer dans de bonnes conditions alors que l’IME manque déjà de tout, que cette école de milieu populaire fait déjà face à de nombreuses difficultés ?
Ministre : D’abord, je vous rejoins pour dire qu’aujourd’hui si on faisait un sondage, ce serait le sujet n°1 pour les personnels, les directeurs etc. On part du fait qu’il y a aujourd’hui une difficulté réelle. Ce qui préoccupe les directeurs d’école, c’est en général les élèves qui ont des troubles de comportement… Il faudra se poser la question de l’explosion de ce type de profils d’élèves. Ensuite il y a les modalités de prise en charge. On va créer des places en IME cette année. Il y a plusieurs enjeux : faire en sorte de créer plus de places d’accueil de jeunes publics ; proposer une suite de parcours digne à des adultes toujours en IME et qui n’ont pas de porte de sortie ; ensuite on a des jeunes en IME qui ne sont pas suffisamment réévalués… Ils sont entrés en IME tôt, ils ont évolué, ils pourraient refréquenter le milieu ordinaire, mais ne sont pas évalués… Si on raisonne en flux, on résout une partie du problème… Même si on ne résout pas tout…
Ce n’est pas ma logique de fermer les ESMS. On continue les créations d’ULIS. IL faut savoir qu’il y a beaucoup de doubles notifications (IME ou ULIS). Très souvent les MDPH proposent les deux solutions… Est-ce que si on arrive à opérer un mouvement de va et vient, on arrive à absorber les flux ? Par exemple, la bonne cible aujourd’hui, c’est au moins une ULIS par collège. Idéalement, il s’agit de permettre à ceux qui doivent vraiment aller en IME d’y aller, permettre à ceux qui doivent ou peuvent aller en ULIS d’y aller… Il faut retravailler l’ensemble de la chaîne…
FNEC FP-FO : On prend acte de votre engagement à ne pas fermer les ESMS. Une classe en ESMS, ce n’est pas une ULIS parce que les élèves bénéficient de soins dans les ESMS, pas en ULIS. En externalisant, on le sait, cela rendra les soins quasi-impossibles. On demande l’arrêt de ces externalisations et aussi l’abandon des PAS qui ne vont non seulement rien résoudre mais vont enlever des enseignants spécialisés et des éducateurs spécialisés de devant les élèves… On ne forme pas les enseignants spécialisés ou les éducateurs spécialisés instantanément. On a demandé que la question de l’inclusion soit inscrite à l’ordre du jour de la formation spécialisée ministérielle. Ce sera étudié en mars alors que nous le demandons depuis des mois. Lors d’une audience en juillet avec le secrétariat d’Etat au handicap à laquelle était également présente une représentante de l’Education nationale, les représentants ont reconnus que le projet mis en place au Havre avait été réalisé de manière précipitée et sans concertation. Nous demandons de tout remettre à plat.
Ministre : je vais lire votre courrier sur la situation du Havre et vous répondre.
FNEC FP-FO : Autre sujet majeur que nous suivons de longue date, la situation des AESH. Le traitement de ces personnels est une honte. Il n’y a jamais eu de réelle volonté jusqu’à aujourd’hui qu’ils soient traités comme personnels à part entière. On demande un Statut, un véritable salaire, l’abandon des
PIAL et des PAS. On demande que les personnels puissent bénéficier d’un temps plein pour 24h travaillées.
Ministre : Il y a d’une part le salaire qu’on a à la fin du mois et je reconnais que 800 €, c’est insuffisant. Mais le SMIC est un tarif horaire. Si vous réclamez le SMIC pour 24h hebdomadaire, vous considérez que le travail fourni est plus ou moins l’équivalent de celui des enseignants… Si on dit temps complet pour 24h, on considère que ça équivaut à 35h total avec un temps « gris » sur 36 semaine par an…
FNEC FP-FO : On ne peut pas payer ces personnels sous le SMIC parce qu’elles sont placées dans des conditions où elles ne peuvent pas travailler plus… Payer aussi mal pose également des problèmes de recrutement. Il n’y a pas d’autre solution que d’octroyer aux AESH un vrai salaire. On souhaitait également parler de la question de la prime REP. On voudrait savoir si vous allez appliquer la décision du Conseil d’Etat qui recommande la mise en place de la rétroactivité dans le versement des primes.
Ministre : Oui, nous allons nous mettre en conformité. L’instruction du dossier est en cours. Un texte va paraître.
FNEC FP-FO : Nous demandons le recrutement des personnels sur Listes complémentaires. On est pour le Statut, pour le recrutement des personnels sous Statut. Dans le premier degré, les listes sont 3 fois plus faibles que l’année dernière, mais en plus, on a encore des refus de recrutement des personnels sur ces listes dans les académies de Strasbourg, Lille, Reims, Paris, Besançon, Aix-Marseille… Il y a pourtant des besoins parce que dans ces académies, il y a des recours à des contractuels. A Strasbourg, il y a une collègue en grève de la faim… On a été reçus en septembre par M Aymard qui nous avait dit que le MEN allait étudier le problème…
Ministre : Nous allons relancer les académies mais à Lille par exemple, il n’y a pas eu de recrutement de contractuels et il n’y a pas de besoin. On vérifiera pour les autres académies. Il y a parfois uniquement des renouvellements de contractuels.
FNEC FP-FO : On a bien entendu que vous placiez dans vos priorités les établissements qui connaissent les plus grandes difficultés.
Nous avons un premier dossier avec des établissements nous ont saisi de leur demande d’être classés en Education prioritaire. Cela fait déjà plusieurs années (7 ans) qu’ils font valoir leur revendication. Ce sont des établissements qui connaissent des situations très difficiles et qui ont un IPS très faible. Parmi eux, il y a notamment le collège Jean-Henri Fabre à Nice… Il y a aussi le collège La Dullague à Béziers, qui fait partie d’un collectif avec des établissements d’autres académies…
Deuxième dossier : nous avons été alertés sur la situation des 110 collègues de l’académie de Nice qui avaient été promus à la classe exceptionnelle et qui ont appris qu’ils étaient retirés du tableau d’avancement mi-juillet suite à l’intervention d’une organisation qui contestait les critères de départage… Une quinzaine de collègues ont été rétablis mais on vous demande de regarder attentivement la situation de la centaine de collègues restant qui ont été lésés…
Troisième dossier : on a fait une demande d’audience à l’IGESR concernant le mouvement et la carrière des enseignants de Classe préparatoire aux grandes Ecoles, l’IGESR nous a renvoyé sur la DGRH, on s’est tournés vers la DGRH, mais on n’a toujours pas de réponse, on aimerait en avoir une.
Quatrième dossier : en lien avec la question de la prime REP, on a adressé à madame l’ex-ministre Borne en juin dernier un courrier rappelant notre demande d’une grille indiciaire nationale, avec possibilité de progression, pour les AED. C’est une revendication que nous relions à celle d’un statut pour les AED qui sont aussi des personnels précaires et dont la situation a été brutalement placée au-devant de l’actualité avec le meurtre de la collègue de Nogent.
Cinquième dossier : un dossier particulier en lien avec la question plus générale de la protection fonctionnelle. Il s’agit d’un collègue de l’académie de Reims qui fait l’objet de diffamations mais qui n’a pu bénéficier ni du respect du principe du contradictoire à son égard ni de la protection fonctionnelle. Nous avons alerté la DGRH par un mail envoyé hier.
Sixième dossier : suite à une cyber-attaque qui a frappé les Lycées des académies de Lille et Amiens, les personnels enseignants risquent de se trouver dans des conditions particulièrement dégradées pour reprendre le travail à la rentrée. La FNEC FP-FO de l’académie d’Amiens demande deux journées banalisées à la rentrée pour que les personnels puissent reprendre dans des conditions moins difficiles. Nous vous demandons de prendre en considération cette revendication.
Ministre : Nous allons étudier toutes ces demandes. Concernant la carte de l’Education prioritaire, je ne peux pas reprendre toute la carte en année électorale. En revanche, les situations atypiques seront étudiées pour la rentrée 2026. On connaît les situations du collège Jean-Henri Fabre de Nice et du collège La Dullague à Béziers. Concernant les AED, il y a des grilles académiques.
FNEC FP-FO : Nous n’acceptons pas les inégalités inhérentes à une gestion académique. Nous revendiquons un cadrage national aligné sur le plus favorable.